Pour compléter un peu ma présentation je vais revenir un peu sur ma construction et donc mes expérience.
FILLE d'IMMIGRES, née en France, HANDICAPEE, tout laissait présager que je n'aurais pas une grosse retraite
Je suis née avec une hypoplasie d'un membre inférieur, en langage profane: une jambe plus courte que l'autre (le pied arrivant au niveau du genou de l'autre jambe).
Scolarité cool au début, avec ma prothese je jouais toujours le rôle du pirate ou de la femme qui vallait 3 millards, j'étais équipée.
6ans: mon papa, jeune médecin fougueux,accepte avec ma mère de m'intégrer dans un programme de recherche sur un "nouveau fixateur externe révolutionnaire": le wagner : appareil positionné sur l'extérieur du membre avec de part et d'autre 3 relativement grosses broches insérées de chaque côté de l'os coupé en deux.
Jusqu'alors, pour allonger les membres on utilisait (avec succès) l'Illisarov (materiel d'allongement que l'on peut voir notament dans "bienvenue à Gattaca") mais, allez savoir pourquoi... il fallait faire mieux.
le protocole: gagner 1mm par jour pendant un peu moins de 3 mois --> doubler la taille de mon fémur.et 3 mois de consolidation.
C'était peu... trop peu. Mon fémur ne s'en est jamais remis... s'en sont suivi de multiples fractures: dès que je tombais --> sanction. (Et j'ai toujours été un peu casse cou...).
du coup j'ai perdu quelques un des précieux centimètres chèrement gagnés. Et je suis sortie des multiples opération de cette époque allergique au latex.
J'ai toujours voulu faire du sport et mes parents un peu discrets (un peu a cause du fait qu'ils étaient immigrés) ne voulaient pas faire de vagues. Si je faisais quelques chose, je le faisait comme tout le monde ou je ne le faisait pas. On a galéré pendant des années pour aller à la piscine par exemple(escaliers interminables où il fallait me porter pour ne pas risquer de tomber et donc de casser... alors qu'il y avait des vestiaires handicapés dont je n'ai connu l'existence que bien des années après...Du coup je ne faisais pas grand chose.
Savoyarde, le ski me faisait de l'œil, mais bien trop dangereux. puis un jour j'ai vu un film: "teddy", qui retraçait la vie du jeune Teddy Kennedy. pour faire court, suite a un cancer on lui a amputé une jambe. Et on voyait ce petit faire du ski entre autres...
Je suis sortie de là avec une idée fixe: me faire couper la jambe...Pour enfin n'avoir plus rien a risquer. Mais personne n'a voulu accéder a ma requête...
Quelques fractures plus tard, autre allongement, tibia cette fois. Je parle à l'anesthésiste de mon allergie au latex, il rigole: tu as 13 ans qu'est ce que tu peux bien connaitre du latex? eh bien j'en connaissait les ballons de baudruche, les gants pour faire mes soins... Il n'y a pas que les capotes. Il élude, donc et je manque de mourir sur le billard: choque anaphylactique. En suite d'opération, tout ce passe bien... jusqu'a ce que je fasse une radio de contrôle a l'age adulte: on m'a oublié du matériel dans la jambe cause d'une perte de mobilité et donc d'autonomie.
Au milieu de tout ca, adolescence, premiers émois... et première déception: "couches avec moi, tu ne peux pas refuser, tu es handicapée... " pas tout a fait ce qu'on rêve d'entendre. Mais aussi pendant une année en fauteuil, mes premières cigarettes et " mais tu fumes?C'est pas possible, tu es en fauteuil!!!" Ok, donc quand on est en fauteuil on est un ange: sans sexe et sans péchés... puis, très formateur aussi: des rencontres avec des anonymes très cons: je me ballade en robe d'été, un petit garçon pointe son doigt vers moi: "maman qu'est-ce qu'elle a la dame" réponse de la mère: elle se met a courir en mettant la main sur les yeux de son fils et en l'empoignant... Tout ce que j'aime chez les enfants (qui ne sont pas toujours gentils, loin de là), ils jouent franc jeu, ne passent pas par 4 chemins ils posent les questions que les adultes préfèrent éluder en jettant des regard inquisiteur: les handi ne devraient sortir de chez eux que pour le telethon. plus tard en espagne, pareil je sors, prothèse au vent et une veille dame me fixe de loin marche jusqu'a moi, s'arrête, se baisse, fixe ma jambe, comme si je n'étais pas là et se signe.
Formateur parce que c'est a ce moment que je me suis posé sérieusement la question: dois-je faire ce que le quidam attends de moi: rester chez moi ou du moins me faire discrète... ou pas.
J'ai pris l'option ou pas. et me suis mise a l'escalade... bizarrement seul sport sans risque.
L'université: 1er amour... un homme très bien m'aime comme je suis.
réflexion d'un "ami": "qu'est-ce que ca fait de savoir que celui avec qui tu est est avec toi par pitié?"...Super, donc dans la tête des gens ca ne peut être que ca... quelle tristesse.
bref 3 ans d'amour passionnel qui prennent fin pour cause de ""racisme" supposé de ses parents.
d'autres hommes, tous dans le même cas... m'aiment comme je suis. puis... L'Homme, mon chéri, qui bizarrement n'est pas comme les autres: il ne m'aime pas
avec mon handicap, mais
malgré. Pur savoyard, très sportif, skieur depuis qu'il a 2 ans.
J'avais fait une croix très jeune sur la montagne mais il me pousse à aller voir le club handisport du coin. Je ne l'avais jamais fait.
Premières leçons de ski en fauteuil des sensations, l'ivresse.
puis première sortie en groupe, j'arrive à la station, sors de ma voiture et vais vers mon fauteuil. Un type du groupe me dis "a c'est sympa, une nouvelle bénévole"
- non, pas bénévole, handi
-QUOI, mais non tu n'est pas handi! tu n'est pas paraplégique donc tu n'es pas handi, tu as marché pour venir jusque là donc tu m'insulte en participant a cette sortie."
Je suis sortie de là totalement dépitée : Les cons sont partout, mais plus de sorties handisport, c'est fini! Je n'ai pas la force de revendiquer ma place ici.
Rencontre un peu plus tard avec mon beau père. tout ce passe bien, mais je surprends une conversation entre eux: "elle est sympa... mais bon c'est beaucoup d'emmerdement pour pas grand chose, tu es jeune, amuse toi et si tu l'aime vraiment remet toi avec elle dans 5-6 ans, tu n'aura rien a regretter..." Ô joie...
Mais il passe outre, et la vie avec mon chéri suit son court , mais régulièrement il me fait des réflexions sur mes robes, il ne veux pas que ses amis voient ma prothèse. Coup dur: je ne m'attendais pas à ca. après ce que nous avions déjà traversé. phase pas facile... mais ce qui ne tue pas le couple le rend plus fort.
On se marie, puis l'envie d'enfant et la question... est-ce génétique? Le spécialiste ne me fait que des réponses normande... Ca peut être transmissible, ou pas, ca peut s'exprimer plus fort, ou pas... mais après avoir passé 30 minutes dans sa salle d'attente, au milieu des statistiques, ma décision était prise: je ne laisserais pas des stats me terrifier et m'angoisser.
On décide de partir du principe suivant: les gens qui s'aiment font de beaux enfant, point.
Je tombe enceinte très vite.
Mon ventre d'arrondi... et un collègue de me poser la question suivante (très classe...) "mais tu baises!?!?" -Ben non, avec mon mari on ne fait que jouer au scrabble grrrrrrr.
Des grossesses étonnamment sans souci, mais très stressée.
Je tente 5-6 préparations à l'accouchement et me heurte encore à la bêtise.
C'est fou comme les gens sont emmerdés de ne pas pouvoir mettre les autres gens dans des cases.
Je suis trop handicapée pour suivre des cours ou des préparations pour valides. et pas assez pour être avec les handi.
Heureusement certains relèvent le niveau, et je m'y accroche. Des personnes précieuses.
Aujourd'hui j'ai perdue un peu de cette fougue qui me faisait faire l'inverse de ce que l'on attendait de moi, limite provocante. je reste sage, mais, simplement, mais je ne me tais pas. Je fais ma petite révolution tranquillement en essayant d'essaimer dans l'esprit des gens que je côtoie ( copains, collègues, clients...) que leurs limites sont ridicules...
Oui, je suis une femme et je fais de l'informatique, oui je suis arabe et je travaille dans le monde catho, oui j'ai une petite malformation de rien du tout et je grimpe, et j'aime, et je materne... Et oui je suis maman et je vends des objets de luxure
, je vais me gêner
)
Désolée pour cette présentation fleuve (et peu structurée).
Bonne nuit